11 Oct 2010 Coup de tonnerre sur les noms de domaine : le système français désavoué par le conseil constitutionnel ?

(Cet article a été publié il y a 14 ans.)

Dans une décision du 6 octobre 2010, le Conseil constitutionnel juge que l’article L 45 du code des postes et des communications électroniques est contraire à la Constitution.

Cet article existe depuis la loi du 9 juillet 2004, et réglemente les conditions les conditions d’attribution, de renouvellement, de refus, ou de retrait des noms de domaine en .fr. (complément du 13 octobre 2010 : l’AFNIC est-elle en danger ?).

Il attribue au ministre des postes le soin de désigner l’autorité  compétente pour gérer les noms de domaine (un décret du 6 février 2007 et un arrêté du 19 février 2010 désignent l’AFNIC, voir ces textes sur la page du site de l’AFNIC qui prend acte de la décision du conseil constitutionnel).

Le conseil constitutionnel juge que l’article L45 est trop imprécis et ne donne pas suffisamment de garanties aux titulaires des noms de domaine. En effet, il dispose seulement que l’organisme qui gère ces noms de domaines (l’AFNIC) doit exécuter cette mission « dans l’intérêt général, selon des règles non discriminatoires rendues publiques et qui veillent au respect, par le demandeur, des droits de la propriété intellectuelle ». Pour le reste, le texte laisse le soin au pouvoir réglementaire (le gouvernement) de régler les choses.

Mais le Conseil constitutionnel prend acte de l’importance de l’internet (il l’avait déjà fait en censurant la première loi HADOPI…). Il considère que le choix ou l’usage des noms de domaine « affecte les droits de la propriété intellectuelle, la liberté de communication et la liberté d’entreprendre ». Or, l’article L 45 interfère sur ces libertés constitutionnelles, sans comporter les précisions législatives suffisantes. Le Conseil constitutionnel en conclut que le Parlement a transféré ses compétences, qui relève de l’article 34 de la Constitution, au pouvoir réglementaire.

Le conseil constitutionnel a donc logiquement déclaré cet article comme contraire à la constitution.

L’organisation juridique des noms de domaine en « .fr » est donc à reprendre.

Le Conseil constitutionnel a néanmoins reporté l’effet de sa décision au 1er juillet 2011, afin de laisser le temps au législateur de revoir sa copie (c’est le même délai qui a été retenu pour la réglementation de la garde à vue qui a été déclarée contraire à la constitution).

Dans l’intervalle, l’AFNIC va continuer d’attribuer des noms de domaine.

Si la loi n’est pas modifiée avant le 1er juillet 2011, nous entrerions alors dans une période très incertaine. Avant la loi de 2004, l’AFNIC fonctionnait comme une association hors de tout cadre légal déterminé. Si l’article L45 n’est pas remplacé, reviendrons-nous au système antérieur ?

Ce n’est pas du tout certain… Comme le conseil constitutionnel a jugé que ces prérogatives relèvent du pouvoir législatif, et qu’il a eu tort de les transférer au pouvoir réglementaire, on voit mal ce qui justifierait que ces prérogatives soient excercées par une association de droit privé…

Il faut donc tout faire pour que le système soit repris par le législateur avant la date fatidique du 1er juillet 2011.

Complément du 13 octobre 2010 : Question complémentaire, en reprenant la procédure on s’aperçoit que la question prioritaire de constitutionnalité a été posée par le conseil d’Etat au conseil constitutionnel. Le conseil d’Etat a été saisi de l’action d’un particulier qui voulait remettre en cause la désignation de l’AFNIC (dans l’arrêté du 19 février 2010) comme autorité d’enregistrement des noms de domaine en France. L’AFNIC serait-elle en danger ?

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Bernard Lamon
Bernard Lamon
BL@nouveaumonde-avocats.com

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