06 Mai 2011 Facebook : quelle responsabilité ?
Avec l’essor récent du F-commerce, Facebook n’a pas vocation à rester une simple plateforme d’entremise, basée autour de l’humain et de l’expérience sociale. La société californienne prend de plus en plus le rôle d’un intermédiaire dans les diverses activités pratiquées sur les réseaux : hébergement de données, publicité, publication, politique, etc. Un chiffre l’illustre : le nombre de fichiers numériques (photos, textes etc.) hébergés par Facebook atteint 30 milliards.
Quel est alors le statut de Facebook ? Hébergeur ou éditeur ?
En Europe, deux statuts définissent le niveau de responsabilité d’un site web (ou « prestataire technique »). Il est soit éditeur (le cas classique d’un blog), soit hébergeur. Le premier est responsable de ses contenus dès publication, dans un régime comparable à celui d’une publication de presse. Le second est présumé non-responsable des contenus qu’il met à disposition, sauf s’il a eu connaissance de leur caractère illicite sans les retirer. Cet équilibre a permis à de nombreux services de prospérer, comme Youtube.
Quid de Facebook ?
En termes de responsabilité, Facebook veut clairement jouer le rôle d’un hébergeur vis-à-vis des exploitants d’applications : « You are responsible for all content of and within your application, including advertisements and user-generated content ». Du côté du consommateur, Facebook se décharge également de toute responsabilité : “We make no warranties of any kind, express or implied, with respect to any products or services sold on or through facebook.” (Source : politique des plateformes http://developers.facebook.com).
Facebook ne peut de lui-même choisir de se placer sous le régime de l’hébergeur. Pourtant, son activité classique de réseau social semble correspondre à la définition donnée par la loi. C’est ce qu’a considéré, sans surprise, le Tribunal de Grande Instance de Paris en 2010. La Cour de Justice de l’Union Européenne a précisé : l’hébergeur est le prestataire gérant un service à caractère « purement technique, automatique et passif », impliquant que ledit prestataire « n’a pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées ».
Il est permis de douter que ce statut avantageux puisse s’appliquer aux activités marchandes de type F-commerce ou régie publicitaire. La réponse n’est pas encore donnée mais un mouvement de la jurisprudence pourrait s’étendre à Facebook.
Deux arrêts de la Cour d’appel de Reims puis de la Cour d’appel de Paris ont considéré qu’Ebay avait à la fois le statut d’éditeur et d’hébergeur. Les juridictions lui ont donc appliqué un régime de responsabilité distributive selon son degré de contrôle des informations et les activités considérées. D’une part, la prestation de courtage d’Ebay, c’est-à-dire la mise en relation active du vendeur et de l’acheteur en proposant la création de liens pour promouvoir les ventes, relève du régime de l’éditeur. D’autre part, Ebay bénéficie du régime de l’hébergeur pour le stockage d’annonces sans proposer de services complémentaires.
LVMH a ainsi profité de cette responsabilité distributive pour obtenir 2,7 millions d’euros de dommages et intérêts contre Ebay dans une affaire de contrefaçon.
L’intérêt d’un tel basculement pour le F-commerçant, l’utilisateur ou le tiers lésé ? Pouvoir agir directement contre Facebook, sans passer par l’étape fastidieuse de l’identification de l’internaute en tort, lequel s’avère, même après identification, bien souvent insolvable.
Néanmoins, cette situation n’est pas figée. En effet, dans un rapport publié le 9 février 2011, le Sénat envisage la création d’une troisième catégorie « les éditeurs de services », entre le statut d’éditeur et celui d’hébergeur. Cette nouvelle catégorie regrouperait les sociétés qui retirent un avantage économique direct de la consultation des contenus hébergés.
Un tel régime semblerait opportun pour un site comme Facebook !