17 Mai 2011 Images de DSK à la télé : tous coupables ?
Depuis dimanche 15 mai vers 18h, les images de Dominique Strauss-Kahn se succèdent. A côté des images d’archives, trois séquences ont particulièrement marqué : celle qui le montre sortant du commissariat entre deux policiers le tenant par le bras (et suivi de trois autres), celle qui le montre sortant du véhicule de police tenu par le bras, escorté vers le tribunal, et enfin celle de l’audience (qui paraît courte) au cours de laquelle il est condamné à rester en détention provisoire jusqu’au vendredi 20 mai (audience dite de « arraignment »).
Le but de ce billet est de faire le point, avec mesure, sur les implications juridiques de ces images dans le cadre de ce blog : le droit de l’internet et de l’image. Je ne me prononcerai pas sur la question de la culpabilité de DSK. Compte tenu de ce qui s’est écoulé depuis les premières informations, ce serait bien imprudent.
Volontairement, je ne place pas de lien vers un service type YouTube ou DailyMotion, et vous allez comprendre pourquoi.
La loi de 1881 est celle sur la presse, et elle est surtout connue car elle réglemente la diffamation et l’injure.
L’article 35 ter dispose :
« Lorsqu’elle est réalisée sans l’accord de l’intéressé, la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, de l’image d’une personne identifiée ou identifiable mise en cause à l’occasion d’une procédure pénale mais n’ayant pas fait l’objet d’un jugement de condamnation et faisant apparaître,
- soit que cette personne porte des menottes ou entraves,
- soit qu’elle est placée en détention provisoire, est punie de 15 000 euros d’amende. » (j’ai ajouté des sauts de ligne et des puces, mais le texte est copié intégralement).
Habituellement, je procède par un renvoi (pour les textes de loi sur www.legifrance.gouv.fr ).
Mais pour ce billet, je crois qu’il était nécessaire d’en faire une reprise intégrale.
Selon moi, toutes les télévisions françaises tombent sous le coup de cette loi.
Les deux premières séquences entrent dans le champ de la première hypothèse (montrer une personne menottée ou entravée), et la troisième séquence dans la deuxième hypothèse (montrer que la personne est placée en détention provisoire).
Reste que circule l’idée sur internet (notamment de la part de mon excellent, quoiqu’anonyme confrère, Me Eolas) que la jurisprudence de la Cour Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme permettrait, au bénéfice du droit à l’information, de montrer ces images.
Je n’en suis pas certain. La Convention Européenne de sauvegarde des droits de l’homme (www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/…/0/FRA_Conven.pdf ) protège à égalité :
– le droit à l’information (liberté d’expression de l’article 10),
– et le droit à la dignité humaine (article 8).
La règle posée par la loi dite Guigou de 2000 permet d’informer le public. Elle limite seulement les images diffusables. Il était donc possible de dire que DSK partait du commissariat. Il était aussi possible dire qu’il arrivait au tribunal, voire le montrer dans les deux cas, mais sans mettre en évidence le fait qu’il était menoté. Enfin, on pouvait rendre compte du fait qu’il était placé en détention provisoire sans montrer son image pendant l’audience.
Je ne souhaite pas être hypocrite, ayant, comme des millions de téléspectateurs, regardé, fasciné, ce moment.
Mais une fois la sidération passée, il faut tenter de faire un peu de place aux grands principes. Dans les moments de grand bouleversement, ils peuvent même constituer de solides balises.