06 Avr 2018 La journée type de l’avocat en 2035
On m’a demandé d’imaginer la journée type de l’avocat en 2035 pour un colloque qui s’est tenu le 6 avril 2018 à Laval.
J’ai tenté de dérider l’atmosphère en truffant ma présentation de références à de la SF écrite ou filmée (2001, odyssée de l’espace, Terminator, Minority Report…).
Il y a évidemment des réticences au changement, dont certains sont légitimes : il faut absolument résister au jugement par des machines. Ce principe est présent dans la loi Informatique et Libertés, réaffirmé dans le #RGPD, et a conduit à la censure par la CNIL du système ParcourSup.
Après quelques autres banalités, j’ai présenté quelques idées du matin de l’avocat, de nouveaux dossiers, de nouvelles méthodes, et de nouveaux métiers.
Imaginons le réveil de l’avocat, qui va pouvoir demander à son enceinte connectée et/ou son smartphone le détail de son agenda. Quant à ce qu’une machine puisse gérer l’agenda d’un avocat, avec ses urgences, ses imprévus, il n’est pas certain que ce soit prêt pour 2035.
Mon enceinte va m’indiquer que j’ai eu 50 connexions à mon site internet, que l’agent conversationnel qui y est accessible (le bot) a répondu à 32 questions. Sur ces 32 questions, 15 ont reçu une réponse satisfaisante. 3 questions nécessiteront des compléments de réponse, que l’avocat pourra adresser par mail, en allant à son bureau dans sa voiture autonome.
Deux dossiers judiciaires mobilisent cet avocat. D’abord, il y aura un dossier d’accident de voiture autonome (à la suite du décret K2000 du 28 mars 2018 – la paternité du terme revient à Bruno Dondero, bravo). Après plusieurs années d’hésitation, car la jurisprudence a appliqué les principes classiques de la responsabilité civile, le sujet a été résolu par la loi Badinter 2.0. Cette loi a été adoptée sous la responsabilité de Laurent Alexandre, devenu en 2018 ministre de l’intelligence artificielle et la biogénétique dans le troisième gouvernement Macron. Dans cette loi, comme dans la loi Badinter de 1985, on applique la théorie du risque. Qui prend le volant (enfin, qui se fait conduire par une voiture autonome) doit être assuré, car tout accident causé par sa voiture est de sa responsabilité. Où l’on voit réapparaître la vieille théorie du risque…
dans le deuxième dossier, un client veut divorcer de son épouse réplicante. Et à l’audience, rebondissement : lui-même est un réplicant. Vous avez compris qu’il s’agit d’une application de Blade Runner, dans la version du réalisateur (director’s cut).
Il y aura de nouvelles méthodes de signification d’assignation, de jugements etc. Il ne s’agira pas d’une signification par un huissier Terminator qui sonnera à votre porte : « Sarah Connor ? ». Mais comme déjà jugé par un magistrat californien, par réseaux sociaux (Twitter dans ce cas).
Et l’audience, dans un monde rêvé ? Les parties ou leurs avocats adresseront à leur juridiction leur dossier, leurs pièces avant l’audience. Par un système de signification qui fonctionne, ce qui serait une nouveauté bienvenue par rapport à 2018.
Le juge incitera (mais n’obligera pas) les personnes concernées à tenter de se mettre d’accord. Au cours de cette phase, les statistiques judiciaires enrichies seront utiles. Rêve de justice prédictive ? qui sait ?
Enfin, de nouveaux métiers seront apparus chez les avocats. Ainsi, le DPO (data privacy officer), métier qui n’était pas connu il y a encore quelques mois. Mais aussi le legal designer (désolé pour les anglicismes) qui tentera de rendre plus accessibles des processus, des textes, des jurisprudences, par le biais de croquis.
Il s’agit de paris, d’imaginations, de prospective. Et donc, la seule certitude est que le futur démentira à peu près tout cela.
J’ai mis tout cela dans une présentation avec quelques images.
Enfin, je remercie Bruno Dondero, Laurent Alexandre, et quelques twittos qui ont répondu à ma demande d’idées : @Damedolleau, @Sketchlex, @PereVijon.