09 Juil 2010 Libre propos sur HADOPI : Où en sommes-nous ?
Ce blog traite des questions concernant les professionnels de l’informatique et de l’internet. L’objet du billet d’aujourd’hui concerne un sujet plus grand public : la HADOPI. Je ne suis pas un opposant de principe à la propriété intellectuelle, je demeure juste sceptique à l’égard du fonctionnement et de l’efficacité de l’HADOPI. J’ai déjà défendu des téléchargeurs devant des tribunaux correctionnels.
J’ai participé aux côtés de Monsieur Jacques TOUBON, membre de la HADOPI, à un colloque consacré à ce sujet le vendredi 2 juillet à Cabourg.
De ces échanges, j’ai retenu plusieurs idées.
Mécanique générale : principe de riposte graduée
Le principe est que les mesures de lutte proposées par les lois HADOPI s’articulent autour de la riposte graduée.
L’étape préalable consiste pour les ayants-droit à récupérer les adresses IP des auteurs supposés de téléchargements illicites. Ces adresses sont alors transmises à l’HADOPI.
La deuxième étape correspond à l’envoi de mails d’avertissement. L’objectif est de rappeler l’obligation au titulaire de l’accès à internet de veiller à ce que cet accès ne fasse pas l’objet d’une utilisation détournée. Autrement dit, il s’agit de le prévenir qu’il est repéré et de l’inciter à sécuriser sa connexion internet en installant les logiciels adéquats. En cas de non respect de cette recommandation, le comportement sera constitutif d’un « délit de négligence caractérisée« .
La troisième étape est encore un avertissement
Enfin, si la contrefaçon persiste, le dossier est transmis à la Commission de protection des droits. La présence d’un juge d’instruction permettra de garantir certains droits aux internautes…
La Commission pourra prononcer une suspension de connexion internet pour une durée pouvant aller jusqu’à 1 an.
Une dé-judiciarisation
Avec la HADOPI, les avocats et magistrats sont exclus du processus. Pourquoi ? Peut-être parce que les peines prononcées jusqu’à présent par les tribunaux étaient considérées comme trop faibles par les ayants-droit.
C’est probablement aussi une volonté de désengorger les tribunaux. La Commission de protection des droits ne transmettra le dossier aux juges qu’à la fin du processus. La procédure de jugement sera alors simplifiée et les coupures de lignes seront rendues par un juge unique par ordonnance pénale.
Prison ou suspension de ligne ?
Quid des sanctions ? Deux types de sanctions sont prévues pour le contrefacteur. A titre principal, la sanction est pénale (jusqu’à 3 années d’emprisonnement et 300 000 € d’amendes). A titre complémentaire, une peine de suspension d’une durée maximum d’une année de l’accès internet a été créée. Mais s’agira-t-il vraiment d’une peine complémentaire ? Quelle serait l’efficacité d’une suspension d’abonnement alors que le téléchargeur aura été au préalable condamné à une forte amende ? Ne peut-on pas imaginer qu’en fait les peines principales seront le plus souvent symboliques et que le cœur de la sanction sera cette peine de suspension de l’accès à internet ? Mais pourquoi la qualifier de peine complémentaire dans ce cas ? Par ailleurs, couper l’accès à l’internet pourrait avoir des répercutions sur les plateformes payantes.
Enfin, si le titulaire de l’accès à internet n’a pas sécurisé sa connexion, il risque une contravention de cinquième classe allant jusqu’à 3000 €. Or comment reprocher à un internaute de n’avoir pas sécurisé sa connexion alors qu’aucun logiciel n’a été « labellisé » par la HADOPI ?
Les premiers mails partent d’ici peu
Avec le récent décret d’application du 25 juin 2010, toutes les pierres de l’édifice semblent posées. Après une longue gestation, l’HADOPI souhaite que les premiers mails d’avertissement partent d’ici peu. La partie ne fait que commencer. Déjà, selon une étude d’impact de la loi, 80% des téléchargeurs s’arrêteraient après le premier mail, et 90 % après le second. Certes, mais ce que ne nous dit pas cette étude, c’est que les internautes se dirigent ensuite probablement vers des sites de streaming qui ne sont pas visés par cette loi…