14 Mai 2010 L’Union européenne étend son contrôle du e-commerce

(Cet article a été publié il y a 14 ans.)

internetL’Union européenne vient de réviser ses règles de concurrence en matière de contrats de distribution de biens et de services, dits accords verticaux.

La Commission européenne a, en effet, adopté le 20 avril dernier un règlement concernant l’application du contrôle des ententes (article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’UE) à ce type d’« accords ou de pratiques concertées entre deux ou plusieurs entreprises opérant chacune, aux fins de l’accord ou de la pratique concertée, à un niveau différent de la chaîne de production ou de distribution » (article 1 a) du règlement).

Ce règlement, qui remplace le précédent datant de 1999, a pour particularité de prendre largement en compte les réalités de l’économie numérique et du e-commerce.

L’objectif général de ce règlement est d’instaurer une saine concurrence sur le marché commun en prenant en compte les intérêts des consommateurs. A cette fin, et afin de limiter les accords soumis à la procédure de contrôle des ententes, il précise les accords et pratiques qui, par nature, ne sont pas considérés comme anticoncurrentiels. Il s’agit notamment des accords qui ne contiennent pas de restrictions en matière de fixation des prix, ou d’autres restrictions concernant la clientèle visée, ou le territoire sur lesquels les distributeurs peuvent revendre leurs biens ou services. L’exemption de ces accords du contrôle des ententes est soumise à la condition que les entreprises y étant partie ne disposent pas de parts de marché supérieures à 30%.

A côté de ces accords considérés comme non-concurrentiels, des accords et pratiques sont visés comme potentiellement dangereux pour le marché. Pour ceux-là, la protection prévue par le règlement ne s’applique pas.

L’article 4 du nouveau règlement liste ces accords et pratiques. Il s’agit, d’un côté, des restrictions apportées au choix du prix de revente pour le distributeur (fixation d’un prix de revente minimum ou imposé, article 4, paragraphe a). De l’autre côté, il s’agit de certaines restrictions apportées au territoire sur lequel, ou à la clientèle à laquelle, un distributeur peut fournir ses biens ou services (article 4, paragraphes b et c).

C’est dans ces deux derniers cas que la Commission européenne est venue préciser, dans les lignes directrices rédigées parallèlement au règlement (paragraphes 51 et suivants, uniquement publiées en anglais pour l’instant), son application en matière de e-commerce aux membres d’un réseau de distribution, sélective ou non.

Ainsi, l’application combinée du règlement et de ses lignes directrices permet de dresser un tableau synthétique des pratiques tolérées ou non concernant l’organisation des réseaux de distribution dans la vente en ligne.

Il faut d’abord distinguer entre ventes actives et ventes passives au sens du règlement. Le paragraphe 51 des lignes directrices procède à cette distinction en fonction de l’impact de la publicité sur le processus de vente au consommateur final. Lorsque la publicité a pour objet de prospecter et démarcher la clientèle de façon active, les ventes sont dites actives. Il peut s’agir :

–  de l’envoi d’e-mails publicitaires non-sollicités,

– de campagnes publicitaires ou promotionnelles ciblées sur certains types de consommateurs,

– bannières renvoyant vers un site étranger,

– paiement d’un moteur de recherche ou d’un fournisseur de publicité en ligne pour cibler la publicité en fonction de l’origine géographique des consommateurs.

Au contraire, lorsqu’une entreprise se contente de répondre à une demande émanant d’un consommateur, ou qu’un consommateur est attiré par la publicité générale de l’entreprise (par exemple, attrait d’un consommateur français par une publicité destinée aux consommateurs anglais), les ventes sont dites passives.

Si le règlement prend en compte le fait que chaque distributeur doive en principe avoir la possibilité de vendre ses produits ou services sur Internet (paragraphe 52 des lignes directrices), il impose néanmoins certaines limites, tenant pour la majorité à la cohésion des réseaux de distribution.

Ainsi, le fournisseur d’un réseau de distribution (exclusive ou non) peut légitimement restreindre le territoire sur lequel ses distributeurs peuvent procéder à des ventes actives, s’il s’est exclusivement réservé le territoire en question, ou si celui-ci est alloué à un autre distributeur. Il ne peut cependant pas restreindre le territoire sur lequel les distributeurs procèdent à des ventes passives, et il est notamment interdit au fournisseur et au distributeur de s’entendre pour que :

– le distributeur bloque l’accès à son site pour les consommateurs situés en dehors du territoire qui lui est désigné, ou mette en place un système de renvoi automatique vers le site du fournisseur ou d’un autre distributeur;

– le distributeur bloque les transactions en ligne lorsqu’il s’aperçoit que les coordonnées bancaires de l’internaute font apparaître une adresse située en dehors du territoire qui lui est désigné.

Par ailleurs, s’agissant des réseaux de distribution sélective, le fournisseur est en droit de restreindre la revente des produits ou services par ses distributeurs, dans le territoire réservé au réseau de distribution sélective, à des distributeurs non agréés. Cependant, il ne lui est pas possible de restreindre les ventes actives ou passives aux utilisateurs finaux par les membres d’un réseau de distribution sélective dans l’ensemble du territoire couvert par le réseau. La seule exception à cela, d’après le règlement et ses lignes directrices, réside dans la faculté offerte au fournisseur d’interdire à ses revendeurs d’exercer leurs activités à partir d’une zone non autorisée (ce qui peut servir à protéger une zone de distribution exclusive par exemple).

En outre, les critères imposés aux distributeurs sélectionnés pour la vente en ligne ne doivent pas être trop éloignés de ceux imposés s’agissant des boutiques de ces derniers (paragraphe 56 des lignes directrices). Les critères ne doivent pas nécessairement être identiques, mais ils doivent à tout le moins respecter les mêmes objectifs, et atteindre des résultats comparables, (protection de l’image des produits, etc.). La fixation de critères plus stricts pour la vente en ligne ne peut ainsi être justifiée qu’au regard des spécificités de celles-ci. Par exemple, pour éviter que les produits ne soient achetés sur Internet par des tiers désireux de les revendre en dehors du réseau, il est possible pour le fournisseur d’imposer à ses distributeurs de limiter le nombre de produits pouvant être achetés en ligne par un consommateur personne physique.

L’ensemble de ces règles entrera en vigueur en juin, et s’appliqueront jusqu’en 2022. Une période transitoire d’un an avec les dispositions du règlement de 1999 a été prévue.

La prise en compte des réalités d’Internet par la Commission européenne semble compléter la politique globale de protection des consommateurs sur le réseau mondial, et d’ouverture de la concurrence. Les entreprises disposent désormais de règles précises pour l’organisation de leurs réseaux de distribution physiques ou virtuels, avec pour corollaire l’obligation pour elle de se montrer plus que jamais vigilantes lors de la conclusion de leurs accords commerciaux.

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Bernard Lamon
Bernard Lamon
BL@nouveaumonde-avocats.com

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