27 Fév 2012 Robert Badinter crée son cabinet d’avocats (correction : consultants) dématérialisé : un exemple de nouveau moyen d’exercice professionnel
M. Robert Badinter vient d’annoncer la création de son cabinet d’avocats (correction du 28 02 2012 : il ne s’agirait pas d’un cabinet d’avocat au sens strict…) (Corpus consultant) dans une interview au journal les Échos. Il l’avait déjà évoqué dans la presse professionnelle des avocats.
Il est rarement question dans ce blog de la manière de pratiquer des avocats mais l’événement est tout à fait exceptionnel et nous donne des leçons qui peuvent aller beaucoup plus loin qu’à la seule profession juridique.
Dans un célèbre livre intitulé « the end of lawyers », l’auteur de référence en la matière, Richard Susskind (cf son site internet) avait annoncé la fin des avocats… Avec un point d’interrogation, heureusement !
Parmi les voies de renaissance du cabinet d’avocats, cet auteur britannique avait indiqué la naissance de nouvelles façons d’exercer la profession d’avocat, notamment par l’utilisation accrue des technologies de l’information.
Dans son interview, avec la sagesse qu’on lui connaît et l’indépendance d’esprit qui a toujours été la sienne (renforcé par sa liberté après deux mandats de sénateur, un mandat de président du conseil constitutionnel, plusieurs années de ministre de la justice notamment à l’origine de l’abolition de la peine de mort, fermez le ban), M. Badinter évoque ce qui aurait pu être son parcours normal : « quant à intégrer un grand cabinet d’affaires, à quoi aurais-je servi sinon rapporter un carnet d’adresses ? ». Il indique qu’il a souhaité revenir à sa grande passion : le droit. Et il a donc créé, à 83 ans, Corpus consultants qui réunit 13 professeurs de droit de la nouvelle génération reconnus dans leur spécialité.
Comme ce cabinet dématérialisé ne requiert ni investissements lourds ni charges en personnel et en locaux puisque l’essentiel est dématérialisé, les honoraires seront « raisonnables ». Il est évident qu’avec des locaux et des charges de personnel limités, la tendance lourde sera plutôt vers des honoraires plus facilement compréhensibles par les clients (ce qu’on peut appeler des honoraires « raisonnables »).
La méthode n’est pas seulement originale en termes d’accueil de la clientèle. Elle est aussi originale en ce qui concerne la clientèle : ni les particuliers, ni les entreprises mais seulement des juristes professionnels (avocats et officiers ministériels) ayant une question juridique pointue.
J’avais fait l’été dernier une note de lecture du livre de Richard Susskind sur le village de la justice et il notait les quatre tendances inéluctables de l’exercice de la profession d’avocat (qui sont les quatre tendances que l’on retrouve dans tout le monde du conseil et du consulting) : un poids croissant des technologies de l’information, une remise en cause des schémas classiques (cf. le grand cabinet d’affaires profitant de carnet d’adresses du sénateur à la retraite), une tendance à la commoditisation pour les cabinets qui ne se différencient pas, une décomposition de toutes les tâches (ici, la différence entre la recherche juridique pointue et la relation avec le client), et le recours au off-shore (peut-être M. Badinter fera-t-il appel à un service de secrétariat juridique à distance en Tunisie ou Madagascar ?).
Nous tentons nous aussi d’utiliser ces moyens : blog, twitter, packaging de l’offre (demain sort notre premier package ;), nous n’avons pas d’assistante mais de la dictée vocale (d’où des fautes de frappe parfois amusantes ;), beaucoup de visio, et nous réfléchissons au off-shore.