06 Déc 2012 Saisie-contrefaçon et/ ou constat « 145 » : comment réagir ?
Pour protéger le titulaire de droit de propriété intellectuelle (logiciel, base de données, marque, droit d’auteur, etc), le législateur propose des outils juridiques performants permettant de prouver la contrefaçon et/ou les actes de concurrence déloyale : saisie-contrefaçon et/ou constat dit « 145 » du nom de l’article du code de procédure civile.
Ces outils permettent d’obtenir l’autorisation du président du tribunal de grande instance ou du tribunal de commerce de pénétrer dans les locaux ou le domicile du présumé contrefacteur afin de constater et saisir les preuves des actes litigieux. Ces procédures sont réalisées par un huissier qui peut être accompagné de la force publique, d’un expert, d’un serrurier…
En raison de leur caractère intrusif et de leur impact, ces procédures sont un outil stratégique dans l’arsenal du titulaire de droit. Ces procédures permettent, outre d’obtenir la preuve des actes reprochés, d’accéder aux données commerciales du saisi. C’est alors un dévoiement possible de la procédure.
Le 15 novembre dernier, la cour d’appel de Paris a sanctionné un tel comportement.
En l’espèce, les faits étaient les suivants. Une société américaine arguant d’actes de concurrence déloyale d’un de ses modèles de chaussures a obtenu du président du tribunal de commerce de Paris l’autorisation de faire procéder à un constat « 145 » dans les locaux du concurrent indélicat. Lors de ce constat, l’huissier a notamment saisi des factures et des captures d’écran des stocks. L’huissier s’est également fait remettre deux exemplaires des modèles litigieux.
La société qui a subi la saisie a contesté les opérations. Selon cette société, ces opérations constituaient un détournement de la procédure de saisie-contrefaçon et une captation illicite de renseignements commerciaux.
Selon la cour, la procédure de droit commun n’accorde pas un pouvoir de saisie à l’huissier. La cour retient également que pour procéder à des saisies le législateur a prévu des mesures exceptionnelles permettant au titulaire de droit de propriété intellectuelle d’y avoir recours. La cour a relevé également que la société américaine ne justifiait pas de l’urgence qu’elle avait avancée pour obtenir l’autorisation du juge.
Compte tenu de tous ces éléments, la cour d’appel de Paris a considéré que la société américaine avait détourné la procédure « 145 ». La cour d’appel a donc annulé les opérations de constat. Faute de prouver son préjudice, la société victime du constat n’a pas obtenu de réparations financières face aux agissements de la société américaine.
Cette décision présente plusieurs intérêts pratiques.
Pour le saisissant, une étude préalable du dossier et des outils à sa disposition est nécessaire pour déterminer la procédure qu’il pourra mettre en œuvre.
Pour le saisi, cette décision présente plusieurs enseignements pratiques qui lui permettent d’établir un plan d’action à mettre en œuvre le jour où il trouve un huissier dans ces locaux :
- Faire patienter l’huissier et ses accompagnants dans une pièce d’attente en présence de salariés ou de personnel de confiance ;
- Se faire remettre une copie de la requête et de l’ordonnance ;
- Appeler son conseil habituel et lui transmettre une copie des documents.
Ces premiers éléments permettront au conseil d’établir rapidement une stratégie pour préserver les données commerciales de la société et de limiter les conséquences d’une telle procédure avant de solliciter en justice l’annulation des opérations.